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Les jeunes ont rendu hommage aux déportés

Vendredi 22 avril, la Journée nationale du souvenir de la déportation a réuni autour du monument aux morts le maire d’Amilly, ses adjoints, les anciens combattants, mais aussi des élèves du collège Robert-Schuman, de l’école de musique et la Maison des jeunes.

Pour ce moment solennel dédié à la mémoire des victimes de la déportation dans les camps de concentration nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, parole a d’abord été donnée à la jeunesse. Accompagné par un professeur d’histoire-géographie du collège Robert-Schuman, M. Martineau, quatre collégiens ont évoqué successivement la rafle des enfants d’Izieu, les mémoires de Simone Veil et le souvenir de la famille Pinkus, arrêtée à Amilly avant d’être assassinée à Auschwitz. 

Huit élèves de l’école municipale de musique, dirigés par Antoine Dussault, ont joué avec émotion le Chant des marais, ou Chant des déportés. Puis une jeune fille de la Maison des jeunes d’Amilly a lu le message des Déportés. 

Face à l’assistance, où se tenait le chef d'escadron de la gendarmerie de Montargis Gilles Foliard, et le maire de Paucourt Gérard Lorentz, Gérard Dupaty a conclu par un discours émouvant et grave.

 

Discours du maire d’Amilly

Le 15 juillet 1942, la jeune Hélène Berr écrit dans son Journal : ‘’Quelque chose se prépare, quelque chose qui sera une tragédie, la tragédie peut-être’’. Trois jours après, elle note ‘’Denise est remontée de chez la crémière et elle m’a dit, haletante : ça y est, ils ont raflé toutes les femmes et les enfants, ne le dis pas à maman’’. 

Ce journal est celui que tient une étudiante juive parisienne de 21 ans, à partir du 7 avril 1942 et jusqu’à son arrestation puis sa déportation à Auschwitz le 27 mars 1944, jour-même de ses 23 ans. Elle meurt à Bergen-Belsen début avril 1945, quelques jours avant la libération du camp par les Anglais.

‘’En ce moment, nous vivons l’histoire – écrit-elle alors qu’elle ne sait rien encore de l’horreur ultime à l’œuvre dans les crématoriums des camps. Ceux qui la réduiront en paroles pourront bien faire les fiers. Sauront-ils ce qu’une ligne de leur exposé recouvre de souffrances individuelles ? Ce qu’il y a eu, en dessous, de vie palpitante, de larmes, de sang, d’anxiété ?’’

Des vies palpitantes anéanties, Amilly en a connues. 

A 200 mètres d’ici, une extension de la Maison des associations a été baptisée Salle Fernande Pinkus, en mémoire de la famille Pinkus, d'origine polonaise qui, fuyant la capitale, s’était réfugiée à Amilly rue des Maisons-Neuves, dans le quartier du Gros-Moulin. Cette famille fut arrêtée le 27 octobre 1942, internée à Beaune-la-Rolande, transférée à Drancy le 29 janvier 1943 puis déportée à Auschwitz par le convoi n°47 du 11 février suivant. 

Fernande Pinkus avait 10 ans, sa sœur Célina, 13 ans, et son frère Elias, 16 ans. Séparés de leurs parents, Feiga et Abraham, dès l’arrivée au camp, les 3 enfants sont exterminés 5 jours après, le 16 février 1943.

L’écrivain Jorge Semprun, dans son discours prononcé le 9 avril 1995 au Théâtre national de Weimar à l’occasion du 50e anniversaire de la libération du camp de Buchenwald où il a été déporté en septembre 1943, se demande : 

‘’Est-il possible, est-il réellement convenable et défendable de prendre la parole et de s’exprimer au nom des disparus et de tous ces individus dont on n’a jamais plus rien su ? Est-il licite de parler au sein de l’irrévocable silence de tant de milliers de morts, dont la tombe se trouve au creux des nuages qui couronnent la cime de l’Ettersberg ? Le meilleur hommage ne serait-il pas plutôt un silence réfléchi, le seul honneur vraiment acceptable envers tant de morts silencieuses ?’’

Aujourd’hui 22 avril 2022, presque 80 ans après l’assassinat abjecte de Fernande, de Célina, d’Elias et de millions d’autres ‘’vies palpitantes’’ par la barbarie des Nazis et la complicité assumée des autorités françaises de Vichy, nous faisons silence en nous-mêmes pour ne pas les oublier.

Pourtant, le monde autour de nous, à l’heure même où je prononce ces mots, raisonne des cris innocents d’enfants et de femmes aux prises avec d’autres atrocités. En Europe, à seulement 2 000 km de nos foyers, un pays libre et souverain, l’Ukraine, subit depuis deux mois les assauts barbares de l’armée de Poutine, qui prétend y combattre des nazis en usant de méthodes d’anéantissement des populations civiles qualifiées d’ores et déjà de crimes de guerre, voire de génocide.

Cette guerre est une insulte à la mémoire, une insulte à la paix patiemment construite en Europe au lendemain de la dernière guerre mondiale, une insulte à nos valeurs de liberté et de fraternité, une insulte à Fernande, Célina et Elias.

Souvenons-nous d’eux et de toutes les victimes de la Déportation. N’ouvrons pas la porte à ce qui réduirait à néant l’Union européenne, seul rempart à la puissance destructrice des nationalismes.